Blog Cyberjustice – Quantique vs. Cybersécurité : une nouvelle ère à anticiper
L’année 2025 marque un tournant pour la cybersécurité. Ce qui relevait hier de la science-fiction devient peu à peu réalité : les ordinateurs quantiques ne sont plus uniquement des projets de laboratoire, et leur puissance pourrait bouleverser la sécurité des systèmes d’information.
Une menace bien réelle pour la cryptographie actuelle
L’informatique quantique repose sur des principes physiques totalement différents de l’informatique classique. Sa puissance de calcul permettrait à terme de casser les principaux algorithmes de chiffrement, aujourd’hui utilisés pour sécuriser nos échanges. Ce scénario, appelé Q-Day, inquiète de nombreux experts.
Même si ces machines ne sont pas encore pleinement opérationnelles, des attaquants commencent déjà à stocker des données chiffrées, dans l’espoir de pouvoir les déchiffrer plus tard grâce à la puissance quantique. C’est ce que l’on appelle la stratégie « collecter maintenant, décrypter plus tard ». Les données les plus exposées sont celles ayant une longue durée de vie : informations bancaires, données médicales, secrets industriels, ou encore communications sensibles dans les secteurs public ou stratégique.
Des réponses technologiques, mais surtout stratégiques
La communauté scientifique et les autorités de cybersécurité (comme l’ANSSI, le NIST ou la NSA) travaillent activement à une solution : la cryptographie post-quantique. Il s’agit d’algorithmes conçus pour résister aux attaques d’ordinateurs quantiques, tout en pouvant être déployés sur des systèmes classiques.
Depuis 2016, un processus international de standardisation est en cours. Les premiers algorithmes ont été publiés en 2024, mais leur adoption reste progressive. En France, l’ANSSI recommande une transition hybride, combinant des méthodes classiques bien éprouvées à ces nouveaux algorithmes. Ce compromis permet de sécuriser les systèmes sans trop de rupture ni de risque lié au manque de recul sur ces technologies émergentes.
Ce que cela implique pour les organisations
Pour les entreprises comme pour les administrations, cette transition implique une véritable stratégie de gestion du risque cryptographique. Concrètement, il s’agit de :
- Réaliser un inventaire des systèmes de chiffrement utilisés ;
- Identifier les données sensibles et les analyser selon leur durée de vie ;
- Vérifier la capacité des prestataires à intégrer les nouveaux standards ;
- Former les équipes internes à ces nouveaux enjeux.
Les autorités recommandent de ne pas attendre que les standards soient totalement finalisés pour agir : l’anticipation est la clé. Cette démarche proactive s’inscrit pleinement dans le respect des principes de sécurité dès la conception (privacy by design) et par défaut (privacy by default) posés par le RGPD, mais aussi dans une logique plus large de résilience numérique.
Une course mondiale aux enjeux stratégiques
La transition vers la cryptographie post-quantique n’est pas qu’un enjeu technique. Elle soulève aussi des questions de souveraineté numérique. Les États-Unis, la Chine et l’Union européenne se livrent une véritable course à la maîtrise de l’informatique quantique. Les investissements sont massifs, car les enjeux sont considérables : sécurité nationale, espionnage industriel, stabilité économique…
Derrière cette compétition technologique, il y a aussi un risque de fragmentation des normes et des pratiques de sécurité. Ce constat souligne l’importance, pour l’Union européenne, de promouvoir une approche harmonisée, respectueuse des libertés fondamentales et inscrite dans une logique de confiance numérique.
Agir maintenant pour ne pas subir demain
Les organisations qui anticipent ce changement renforceront non seulement leur sécurité, mais aussi leur crédibilité auprès de leurs partenaires et usagers. À l’inverse, l’inaction pourrait les exposer à des pertes de données, des sanctions réglementaires, voire des litiges et entacher leur réputation.
Quel rôle jouer en tant que juriste du numérique ?
Cette transition ne concerne pas uniquement les DSI ou les ingénieurs. Les juristes ont un rôle clé à jouer dans cette mutation :
- En intégrant ces enjeux dans les clauses contractuelles (sécurité, durée de conservation, réversibilité) ;
- En conseillant sur les obligations réglementaires (RGPD, NIS2, DORA…) ;
- En veillant à la conformité des systèmes face aux futures normes européennes ;
- Et en accompagnant les organisations dans une gouvernance responsable de leurs données sensibles.
En résumé : la cybersécurité quantique n’est plus un sujet de niche. C’est une réalité stratégique, juridique et organisationnelle. Anticiper, c’est protéger la valeur de son patrimoine informationnel, respecter ses obligations, et préparer un avenir numérique plus robuste.
Siryne Mrabti
Master 2 Cyberjustice 2024/2025
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