Blog Cyberjustice – Sextorsion : quand des escrocs exploitent la curiosité sexuelle des mineurs
La sextorsion, aussi appelée chantage à la webcam, désigne une escroquerie qui démarre sur un service de communication en ligne, généralement un réseau social, une messagerie instantanée ou sur un site de rencontre.
L’escroc contacte la victime, gagne sa confiance et finit, après une petite discussion, par lui proposer des échanges en vidéo ou en photo à caractère sexuel. La victime qui aura accepté ces échanges intimes, reçoit un message de l’escroc pour lui signifier qu’ils ont été enregistrés. Ce dernier menace de divulguer publiquement les enregistrements ou de contacter ses contacts pour leur envoyer s’il ne paye pas une rançon.
Dans certains cas, il n’y a pas d’échanges entre la victime et l’escroc. Celui-ci aura pu récupérer des contenus intimes en piratant le compte de la victime ou en réalisant un montage en apposant le visage de la victime sur des images à caractère sexuel.
- Une hausse massive des cas
La sextorsion a connu une envolée sans précédent en 2024. Sur la plateforme Cybermalveillance.gouv.fr, le nombre de demandes d’assistance liées à ce type de chantage a été multiplié par dix par rapport à l’année précédente, soit une augmentation de 900 %.
Cette hausse s’explique en partie par le fort recours à l’IA. Par exemple, une femme de 26 ans a été arrêtée pour avoir escroqué plus de 300 hommes. Elle utilisait des applications de retouche basées sur l’IA pour créer en quelques secondes des images fictives d’elle-même. Il ne lui restait plus qu’à séduire ses victimes en ligne, obtenir des photos compromettantes et les menacer de les divulguer si elles ne versaient pas d’argent. En l’espace de huit mois, elle a ainsi accumulé 16 300 €.
- Des profils de victimes en pleine évolution
Alors que les escrocs visaient auparavant des adultes, plus susceptibles de payer, la sextorsion concernerait de plus en plus les jeunes publics, davantage présents sur les réseaux. En 2024, chez les mineurs, les signalements de sextorsion ont augmenté de 2,4 fois par rapport à 2023 auprès de l’Office des mineurs, atteignant 28 767 cas.
Ce phénomène peut probablement s’expliquer par le fait que l’on envoie des « nudes » c’est-à-dire de photos de soi-même apparaissant dénudé, de plus en plus tôt. En effet, environ un mineur sur six de 15 ans ou moins en aurait ainsi déjà envoyé.
Plus précisément encore, sont visés les jeunes garçons isolés, en situation de mal-être ou de conflit, ces profils étant perçus comme plus vulnérables. À cet âge, la curiosité sexuelle est forte, la communication autour de la sexualité souvent absente, et l’usage des réseaux très intégré dans le quotidien. Envoyer un “nude” peut apparaître comme un moyen d’explorer sa sexualité, de séduire ou simplement de se sentir valorisé.
Certains y voient une preuve de confiance dans une relation naissante. D’autres cherchent une validation, un compliment, un retour flatteur. L’absence de recul face aux intentions de l’interlocuteur et la recherche d’estime de soi rendent la manipulation plus facile donc l’escroquerie possible.
- Quel encadrement pénal pour ces pratiques ?
En langage juridique, il s’agit du délit de chantage, prévu par l’article 312-10 du code pénal. Lorsque le chantage est exercé par un service de communication au public en ligne, au moyen d’images ou de vidéos à caractère sexuel, la peine encourue consiste en 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.
Il est possible de déposer plainte sur la plateforme en ligne THESEE si trois conditions sont remplies :
– La relation est restée virtuelle
– Une demande d’argent a été faite
– Être majeur, les mineurs ne pouvant, eux, que procéder à un signalement
Si ces conditions ne sont pas réunies, il est toujours possible de déposer plainte au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie de votre choix.
Face à l’explosion des cas de sextorsion, notamment chez les mineurs, l’urgence est double : mieux sensibiliser les jeunes aux risques en ligne et renforcer les mécanismes de signalement et d’accompagnement.
Il ne s’agit pas seulement de lutter contre une fraude numérique, mais de protéger des victimes souvent trop jeunes ou ayant trop honte pour se défendre seules, prises au piège d’une violence invisible mais profondément destructrice.
Louis PERRIN-CONRARD – COMED
M2 – Cyberjustice
Sources :
https://www.cybermalveillance.gouv.fr/tous-nos-contenus/fiches-reflexes/sextorsion
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34124
https://www.internetmatters.org/fr/issues/sexting/learn-about-sexting/
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