En bref : La start-up britannique Builder.ai, spécialisée dans le no-code/low-code et l’IA, a déclaré l’insolvabilité après des allégations de transactions douteuses et de revenus surestimés. Malgré une valorisation de 1,5 milliard de dollars et des investisseurs tels que Microsoft et le fonds souverain du Qatar, l’entreprise a été incapable de convertir ces investissements en revenus durables.
Créée en 2016, la licorne londonienne Builder.ai a su surfer sur le marché du no-code/low-code et l’engouement pour l’IA, attirant des investisseurs de premier plan tels que Microsoft, ou le fonds souverain du Qatar. La mise en lumière de revenus surévalués et de transactions douteuses avec la société indienne VerSe Innovation, a précipité la chute de l’entreprise qui a engagé la semaine dernière une procédure d’insolvabilité. Lorsque
Sachin Dev Duggal lance
Builder.ai, le projet séduit par sa clarté : simplifier radicalement la création de logiciels grâce à une IA, baptisée Natasha, automatisant la conception et le développement des applications et réduisant considérablement les délais et les coûts.
En 2019, le Wall Street Journal révèle que la promesse d’IA cache une réalité plus prosaïque : le recours massif à des développeurs humains basés en Inde qui effectuent manuellement une grande partie du travail. Ce modèle hybride, entre automatisation revendiquée et externalisation masquée, soulève alors des interrogations, mais sans provoquer de rupture.
Grâce à une communication bien rodée, la start-up séduit des investisseurs prestigieux : la Qatar Investment Authority (QIA), Insight Partners et
Microsoft qui intègre en 2023 la plateforme à l’écosystème
Azure dans le cadre d’un partenariat stratégique. La validation implicite de ces investisseurs de renom renforce la crédibilité de l’entreprise qui est d’ailleurs reconnue la même année par le classement annuel World’s Most Innovative Companies de Fast Company comme un innovateur de premier plan dans le domaine de l’IA.
Cependant, cette reconnaissance, fondée pour partie sur des projections et une image bien maîtrisée, n’a pas toujours été accompagnée d’un examen rigoureux de la réalité opérationnelle.
Des revenus artificiellement gonflés par le « round-tripping »
Malgré une valorisation portée à 1,5 milliard de dollars, Builder ai n’a pas réussi à convertir ces investissements massifs en revenus durables et sa situation financière s’est détériorée l’an passé.
Des rumeurs ont commencé à circuler sur des facturations mutuelles entre
Builder.ai et VerSe Innovation (maison-mère de Dailyhunt) sans prestations réelles : un mécanisme de « round-tripping » destiné à faire apparaître un chiffre d’affaires supérieur. Le rapport du cabinet d’avocats mandaté par le conseil d’administration a révélé que des ventes avaient été comptabilisées avant que les paiements ne soient effectivement encaissés, voire sans contrats fermes en place. Il a corrigé la projection des revenus pour 2024, qui est passée de 220 millions de dollars annoncés à environ 55 millions, et de 180 millions pour 2023 à seulement 45 millions.
Ces révisions ont déclenché des clauses de défaut de la part de Viola Credit, qui avait prêté 50 millions de dollars à
Builder.ai. En mai dernier, le
fonds de dette a saisi plus de 37 millions de dollars sur les comptes de l’entreprise, invoquant une violation des engagements contractuels liés à la présentation des résultats financiers. Il ne restait alors plus que 5 millions de dollars en trésorerie, dont la majeure partie bloquée sur des comptes en Inde, rendant toute poursuite d’activité impossible.
» Malgré les efforts inlassables de notre équipe actuelle et l’exploration de toutes les options possibles, l’entreprise n’a pas été en mesure de se remettre de défis historiques et de décisions passées qui ont exercé une pression importante sur sa situation financière. Notre priorité immédiate est de soutenir nos employés, nos clients et nos partenaires pendant cette période difficile. Nous travaillerons en étroite collaboration avec les administrateurs nommés pour assurer un processus ordonné et pour explorer toutes les options disponibles pour certaines parties de l’entreprise, dans la mesure du possible ».