AFP
POLITIQUE – Ne prendre aucun risque. Contrairement à 2012, les Français de l’étranger ne pourront pas voter de manière électronique pour les élections législatives de juin prochain. La décision a été annoncée ce lundi 6 mars par le secrétaire d’Etat Mathias Fekl en raison des menaces de cyberattaques qui pèsent sur le scrutin.
Ce choix a aussitôt provoqué la colère de tous les parlementaires sortants, de gauche comme de droite inquiets de voir la participation à l’élection chuter drastiquement. Député LR d’Amérique du Nord, Frédéric Lefebvre a même lancé une pétition pour réclamer le retour de ce vote par internet.
Face à cette polémique naissante, Mathias Fekl justifie sa décision.
Pourquoi avoir décidé d’annuler le vote par internet pour les Français de l’étranger?
Quatre modalités de vote sont ouvertes aux Français de l’étranger pour les législatives: le vote à l’urne, le vote par procuration, un vote par correspondance sous pli fermé et un vote par correspondance par voie électronique. Cette dernière est conditionnée au fait que le caractère secret du vote puisse être garanti et que la sincérité du scrutin le soit aussi.
Or deux tests grandeur nature qui ont eu lieu en novembre et en février ont révélé de manière concrète la réalité et l’intensité des menaces, et, face à elles, la fragilité de tout système électronique, y compris le meilleur actuellement disponible. Le gouvernement a donc pris cette décision après avoir examiné les avis d’experts indépendants, ainsi que des autorités nationales chargées de la sécurité informatique.
La menace sur ce scrutin était sérieuse?
Oui, ce ne sont pas des risques diffus mais des menaces concrètes apparues à l’occasion des deux tests grandeur nature. Ils ont mis en évidence le risque d’attaques qui mettraient en cause le bon déroulement démocratique du scrutin. Dans ce contexte, personne n’aurait compris que le gouvernement prenne le moindre risque avec des élections nationales. J’ajoute que les Pays-Bas qui ont recours au vote électronique depuis une dizaine d’années ont décidé de ne pas ouvrir cette voie pour les élections du 15 mars 2017, pour des raisons et dans un contexte tout à fait semblable.
Emmanuel Macron accuse la Russie de vouloir le déstabiliser.
Vos doutent concernent-ils également ce pays ?
Les experts s’accordent à dire qu’il est très difficile de savoir au final d’où viennent les attaques et qui en sont les commanditaires. Ce sont des gens extrêmement agressifs et efficaces. En revanche nous savons où ces attaques aboutissent, en l’occurrence au cœur de notre fonctionnement démocratique, en visant à déstabiliser les systèmes qui doivent permettre le vote électronique.
N’est-ce pas problématique qu’une grande puissance comme la France ne soit pas en capacité de se prémunir contre ces attaques?
La France est confrontée à cette menace comme les autres grandes démocraties. Le rôle du gouvernement, c’est de défendre la démocratie en prenant toutes les mesures pour que le scrutin soit incontestable.
Regardez ce qui s’est passé aux Etats-Unis où des doutes très importants ont affecté l’élection de Donald Trump. Nous ne souhaitons pas être dans ce cas de figure et nous prenons les devants sur la base d’éléments objectifs pour protéger le scrutin. Ce qui compte c’est que chaque Français puisse exprimer son vote de façon secrète et que la sincérité du scrutin dans son ensemble soit garantie.
Votre décision intervient à seulement 90 jours du premier tour.
Ce délai ne risque-t-il pas de prendre de court beaucoup d’électeurs?
Je souhaite préciser que les tests grandeur nature se sont déroulés aux dates prévues et concertées avec les élus des différentes sensibilités politiques. C’est donc à l’issue de ces tests que l’avis défavorable de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) a été rendu.
Le gouvernement souhaite garantir une participation aussi élevée que possible à ce scrutin. C’est pourquoi il a pris des mesures d’accompagnement pour faciliter au maximum l’expression du suffrage des Français de l’étranger, notamment en s’assurant que le vote à l’urne sera possible aux mêmes endroits pour les législatives que pour l’élection présidentielle. Nous avons également décidé de rouvrir jusqu’au 31 mars le délai d’inscription pour le vote par correspondance sous pli fermé (la date initiale était le 1er mars, ndlr). Enfin, des tournées consulaires supplémentaires seront organisées pour recueillir les procurations.
Que répondez-vous à Axelle Lemaire qui évoque un « déni démocratique » ou à Thierry Mariani qui vous accuse d’avoir pris cette décision par « arrière pensée politique »?
Le gouvernement a tenu à ce que les élus soient les premiers informés. A l’occasion d’une réunion, nous leur avons communiqué des éléments objectifs. Notre ambassadeur chargé de la cyber-diplomatie et l’économie numérique, David Martinon, le Directeur général de l’Anssi, le Président du bureau de vote électronique, le Secrétaire général du Quai d’Orsay étaient présents pour exposer les raisons techniques, précises et sourcées qui nous ont conduits à faire ce choix.
Il n’y a pas lieu de polémiquer. Rien ne serait pire que d’avoir en juin des annulations d’élections ou un doute sur la sincérité du scrutin tout entier. Ce serait insupportable pour notre démocratie.
Le coût que représente cette élection, et notamment l’envoi de SMS aux votants, n’a pas pesé dans votre décision?
Absolument pas. Garantir les conditions d’un scrutin irréprochable est notre seul et unique objectif.
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