Gagner du temps et sauver des vies avec notre application pour améliorer l'orientation des victimes lors d'attentats
En réponse aux attentats du 13 novembre, la ville de Paris et la préfecture de Police ont pris l’initiative de mobiliser l’écosystème français de l’innovation pour organiser un hackathon sur la sécurité, le hackathon Nec Mergitur. Objectif, trouver des solutions technologiques aux problèmes rencontrés par les autorités lors des attentats.
Pas moins de 400 personnes ont répondu à l’appel et se sont rassemblées vendredi 15 janvier, à l’École 42, pour travailler tout un week-end sur les défis proposés.
C’est en cherchant sur internet la signification même du mot Hackathon que je suis tombé sur l’annonce de cet événement. Statisticien de formation, j’y ai tout de suite vu la magnifique opportunité de transformer un savoir faire technique en une action citoyenne. Un formulaire rempli en ligne et renvoyé, je recevais un mois plus tard mon invitation.
Vendredi 17h. A mon arrivée devant l’École 42, plus d’une centaine de personnes attendent déjà. Une heure plus tard, les portes s’ouvrent et les participants sont conviés à se rendre dans l’amphithéâtre pour la présentation des défis.
Maire de Paris, Préfet de Police, Conseillers ministériels, beaucoup d’Autorités du pays sont représentées pour lancer l’événement et souligner l’intérêt unanime pour cette nouvelle forme d’action. Un événement inédit donc, auquel un grand nombre de personnes a répondu. Je n’ai plus aucun doute sur le déroulement des deux prochains jours.
Les défis sont regroupés par thématiques: Prévenir la radicalisation, détecter les rumeurs, soulager les plates-formes d’appel, recevoir et traiter les informations rapidement. Nous avons quelques heures pour constituer des groupes, nous enregistrer et nous mettre au travail.
Assez rapidement, notre équipe se constitue. Elle compte une dizaine de personnes : des développeurs d’une solution de base de données innovante, des développeurs d’une société de service, un agent du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris également réserviste chez les pompiers de Paris, un concepteur de solutions technologiques pour les équipes de secours et moi même.
Une équipe bien équilibrée, motivée, et prête à relever le défi proposé par le Docteur Eric Lecarpentier, de l’Assistance Publique et des Hôpitaux de Paris.
Lors d’événements impliquant de nombreuses victimes, un dispositif complexe est mis en place pour leur porter secours et les évacuer vers les hôpitaux.
Ces situations nécessitent la coordination parfaite et immédiate d’un ensemble d’acteurs tels que les postes médicaux avancés, les hôpitaux, le SAMU Centre 15 et le centre opérationnel des pompiers.
Notre défi, imaginer un système d’information en temps réel qui aide à orienter les victimes vers les hôpitaux en tenant compte de leur niveau de charge.
21h, les pizzas et les bières sont servies, tout le monde se met au travail. Une partie de l’équipe commence à mettre en oeuvre les premières briques techniques, à définir l’architecture technique et fonctionnelle, pendant que les autres continuent de cadrer le sujet avec le Docteur Eric Lecarpentier. Le système développé doit être fiable, intuitif, simple et ne doit rien nécessiter d’autre que le matériel existant.
L’équipe se sépare vers 1h du matin mais le travail se poursuit jusque tard dans la nuit. Le lendemain, à 8h30, nous disposons d’un tableau blanc illustrant le processus de la prise en charge des victimes, des postes médicaux avancés sur le terrain jusqu’aux différents services des hôpitaux. Les premiers écrans du système développés pendant la nuit sont présentés au reste de l’équipe. Les développeurs ont réussi en quelques heures à créer deux applications mobiles et une application web. Une longue journée commence alors : de nouveaux développements, des discussions, du café, des bugs, une excitation qui monte à mesure que l’application se construit.
Nous avons perdu toute notion du temps, il est déjà 2h du matin et personne ne s’est éloigné de plus d’un mètre de la table de travail. Une intense journée vient de passer.
Le système est prêt à 80%. Chacun rejoint son lit. Malgré la fatigue, le sommeil est difficile à trouver. Le lendemain, nous devons présenter notre projet à un jury qui en sélectionnera une dizaine pour la présentation plénière du soir.
6h du matin le réveil sonne, mon corps s’anime d’un grand battement de coeur, je n’ai qu’une hâte, rejoindre l’équipe. Une notification sur l’écran du téléphone attire mon attention.
Un des développeurs a tweeté un message à 6h du matin.
Pour la deuxième fois consécutive, ils n’ont pas dormi, ou seulement 2h. Je suis bluffé par leur capacité de travail, leur dévotion, leur volonté d’aller toujours plus loin, leur bonne humeur et leur humour. On les appelle des geeks mais ils ont l’étoffe des héros. Ce sont des pompiers plongés dans l’ère du numérique.
La journée commence par du café, beaucoup de café. Notre application fonctionne de bout en bout, les derniers développements sont en cours. La moitié de l’équipe travaille maintenant sur le pitch. Comment faire tenir 48h en 4 min? On coupe les phrases, on va à l’essentiel, on répète, une fois, deux fois, dix fois. Tout le monde est prêt.
Il est 15h, le jury nous appelle. Nous avons choisi une présentation théâtrale où chaque membre de l’équipe joue un rôle: médecin évacuateur, personnel hospitalier, SAMU. Je me charge de la narration, de raconter l’événement, de montrer la valeur ajoutée de ce système simple qui permet de gagner les quelques secondes qui sauvent des vies.
Le jury a l’air séduit. C’est tout du moins ce que nous déduisons de leur plissement de bouche et de leur hochement de tête. Le groupe est heureux et soulagé. Chacun a la conviction d’avoir donné le meilleur de lui-même.
Les projets présentés sont impressionnants. Le travail qui a été réalisé pendant ces deux jours est incroyable.
Nous attendons maintenant avec impatience la cérémonie de clôture durant laquelle dix projets seront présentés devant les représentants des plus hautes Autorités françaises.
Du café, un verre de jus de fruit, de l’eau. On se répète notre week-end et notre joie d’avoir travaillé ensemble.
17h30, aucune nouvelle. Nous rejoignons impatients l’amphithéâtre. Les participants cherchent une place dans la salle déjà bondée. A l’entrée, nous croisons Eric Lecarpentier, le médecin qui a suivi notre travail durant tout le week-end. Une tape sur l’épaule et un sourire reconnaissant, il nous conseille de nous tenir prêts pour une ultime présentation.
C’est le soulagement. La joie et la fierté d’avoir été sélectionnés. Les présentations s’enchaînent, nous passons en dernier. La présentation a l’air de retenir l’attention. La maire de Paris mentionne sa volonté de poursuivre ce projet. Nous sommes heureux. C’est la fin d’une belle aventure, ou plutôt le début d’un nouveau défi, celui des pouvoirs publics qui doivent maintenant s’approprier toute cette matière pour transformer ces travaux en actions concrètes. Je crois que nous sommes déjà 400 à être motivés!
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