« Il n'a jamais été question de donner la liberté d'expression aux bots », insiste la ministre de l'IA et du numérique
Le Premier ministre François Bayrou et la ministre responsable de l’IA et du numérique Clara Chappaz sont intervenus lors d’un forum organisé par Viginum, un service gouvernemental focalisé sur les manipulations de l’information sur Internet.
Ce 28 mars était l’occasion pour le gouvernement de mettre en lumière l’organe de lutte contre la désinformation, Viginum. Encore peu connue du grand public, cette agence, placée sous la tutelle du Premier ministre, doit repérer et analyser des campagnes d’ingérences étrangères, dans l’espoir de les exposer avant qu’elles n’aient des effets notables sur la population.
Un forum a eu lieu à Sorbonne Université pour mettre en avant le travail d’enquête de cette structure spécialisée, ponctué par plusieurs prises de parole officielles, dont celle du Premier ministre, François Bayrou, en ouverture.
Selon lui, la situation est des plus alarmantes, car c’est l’avenir même de la démocratie européenne qui serait aujourd’hui en danger : « La démocratie est le seul régime qui ne puisse pas durer si les citoyens n’ont pas accès à une information vraie, fiable », affirme-t-il. François Bayrou a profité de cette prise de parole pour souligner que « la France est, après l’Ukraine, le pays le plus visé en Europe par les tentatives de manipulation venant de l’étranger », citant un rapport service européen pour l’action extérieure, selon lequel, sur les 505 incidents relevés en Europe de 2023 à 2024, 257 concernaient l’Ukraine.


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Clara Chappaz, la ministre responsable de l’IA et du numérique, a ajouté sa voix lors de cette matinée, pour nuancer l’idée selon laquelle la désinformation relèverait de la liberté d’expression. La ministre lance en début de discours « qu’il n’a jamais été question de donner la liberté d’expression aux bots », en référence aux légions de faux profils automatisés et contrôlés par une entité étrangère. Elle appuie également son propos par des chiffres, puisqu’une fausse information circulerait six fois plus vite qu’une info vérifiée, selon une étude du MIT.
Clara Chappaz dénonce par ailleurs une certaine forme de naïveté à l’égard des réseaux sociaux, rappelant que ceux-ci restent le premier relais de la désinformation, « contrairement à ce que l’on affirme outre-Atlantique », ajoute la ministre.
Des campagnes menées depuis la Russie, l’Azerbaïdjan ou l’Iran
Dans les faits, à quoi ressemble cette lutte contre la désinformation ? Viginum publie des rapports détaillés, relayés par les instances gouvernementales, afin de mettre en lumière les campagnes en cours. Tags alarmistes avant les JO de Paris, vidéos prétendument diffusées par des membres du Hamas, contenus falsifiés usurpant des entités étatiques : les exemples abondent et sont documentés dans les enquêtes de Viginum.
Les analyses techniques et les faisceaux d’indices désignent principalement la Russie, mais aussi l’Iran et l’Azerbaïdjan comme sources de ces manipulations. À Bakou, Viginum a identifié des campagnes minutieusement ciblées visant les mouvements indépendantistes dans les territoires d’outre-mer. Du côté de la Russie, les stratégies reposent fréquemment sur l’usurpation parfaite de médias français pour imposer un narratif spécifique.
Aucune élection épargnée par la désinformation
Certains estiment que Viginum accorde trop d’attention à ces campagnes de désinformation, qui passeraient peut-être inaperçues sans ces rapports officiels.
Interrogé par Numerama, Marc-Antoine Brillant, chef du service de Viginum, justifie cette démarche comme une mesure préventive : « La campagne d’origine russe mise en avant dans le rapport Portal Kombat n’avait rassemblé que 30 000 vues en France, un chiffre insignifiant. Pourtant, nous avons choisi de la dévoiler dès février 2024 pour anticiper les élections européennes et alerter nos homologues européens. Un mois plus tard, une entreprise russe basée en Crimée a créé 30 nouveaux sites de médias alternatifs, ciblant des pays à travers toute l’Europe. »
Cette stratégie proactive serait d’autant plus cruciale à l’approche de la présidentielle française de 2027, où des tentatives similaires de désinformation pourraient se multiplier. « Depuis plus de cinq ans, chaque scrutin majeur en Europe a été confronté à des tentatives de manipulation, qu’il s’agisse de promouvoir ou de discréditer un candidat », relève le chef du service Viginum. Et les premières offensives risquent déjà de se faire sentir, bien avant l’ouverture officielle de la campagne.

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