Les États-Unis craignent un usage militaire des puces américaines en Chine
Washington frappe un nouveau coup dans la guerre des semi-conducteurs : les États-Unis imposent depuis fin mai des restrictions inédites sur l’exportation des logiciels de conception de puces électroniques vers la Chine. Un geste qui vise à préserver la suprématie technologique occidentale et à empêcher Pékin d’accélérer ses avancées technologiques et potentiellement militaires.
La rivalité technologique entre les États-Unis et la Chine s’intensifie à nouveau, chaque camp cherchant à sécuriser ses chaînes d’approvisionnement et à préserver ses intérêts stratégiques. Après avoir coupé l’accès chinois aux équipements de fabrication de pointe et aux puces les plus avancées, le gouvernement américain cible désormais un maillon clé, mais souvent méconnu de l’écosystème : les logiciels EDA, indispensables à la conception de tout circuit intégré moderne.
En quoi cette décision a-t-elle des répercussions majeures ? Les logiciels EDA sont le cœur invisible de l’industrie des semi-conducteurs : ils permettent de concevoir, simuler et tester les puces avant leur fabrication. Sans eux, la création de circuits avancés, qu’il s’agisse de processeurs pour smartphones, d’accélérateurs d’IA ou de composants militaires, devient quasi impossible. Ce marché est dominé par trois géants occidentaux : les Américains Cadence et Synopsys, et l’Allemand Siemens EDA.
Pour ces trois leaders, qui concentraient en 2024 entre 70 et 80 % du chiffre d’affaires du secteur, les règles changent brutalement. Désormais, toute exportation, réexportation ou simple transfert sur le sol chinois de ces logiciels sera soumise à l’obtention d’une licence d’exportation délivrée au cas par cas par le département américain du Commerce. Comme le rapporte Reuters, le Bureau of Industry and Security (BIS) a adressé des instructions officielles à ces entreprises, leur ordonnant de suspendre immédiatement la fourniture de leurs logiciels aux clients chinois, le temps d’évaluer les risques pour la sécurité nationale. Cette mesure vise explicitement à empêcher que ces outils ne servent à la conception de puces destinées à l’armée chinoise ou à des applications sensibles, qualifiées de « risque inacceptable » par le BIS.
Un effet de choc immédiat sur l’industrie

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Les conséquences ne se sont pas fait attendre : à Wall Street, Cadence a chuté de 10,7 % et Synopsys de près de 10 % à l’annonce de la mesure, illustrant la dépendance de ces groupes à la clientèle chinoise, qui représente respectivement 12 % et 16 % de leur chiffre d’affaires. Siemens, de son côté, a confirmé vouloir « continuer à soutenir ses clients chinois dans le respect des régimes de contrôle des exportations », tout en évaluant l’impact de cette décision sur ses activités.

Pour les acteurs chinois de la conception de puces (comme Brite Semiconductor, Zhuhai Jieli, ou encore Huawei), la dépendance à ces outils occidentaux constitue un goulot d’étranglement critique. Privés d’accès aux logiciels EDA de pointe, ils risquent de voir leur compétitivité et leur capacité d’innovation sérieusement entravées face à leurs concurrents occidentaux.
La crainte également d’un effet boomerang
Si la manœuvre américaine cible un point névralgique de la chaîne de valeur des semi-conducteurs, elle pourrait aussi avoir un effet boomerang. Depuis les premières sanctions de 2019, la Chine a massivement investi dans le développement de solutions domestiques. Des acteurs comme Huawei, Empyrean Technology ou X-Epic ont déjà lancé des alternatives locales aux outils EDA occidentaux, même si elles restent en retrait en termes de maturité technologique.
Les analystes s’accordent à dire que ces restrictions pourraient, à terme, accélérer la quête d’autonomie technologique de Pékin, tout en perturbant les chaînes d’approvisionnement mondiales et en fragilisant la position dominante des éditeurs américains sur le marché chinois.
Cette nouvelle salve de restrictions intervient alors que les tensions commerciales sino-américaines ne cessent de s’intensifier, chaque camp cherchant à protéger ses intérêts stratégiques et à sécuriser ses chaînes d’approvisionnement. La Chine, de son côté, dénonce une « politisation injustifiée » des échanges technologiques et promet de renforcer ses efforts pour atteindre l’autosuffisance dans les semi-conducteurs.
La guerre des puces, loin de s’essouffler, s’enracine désormais dans le contrôle des logiciels, dernier bastion de la suprématie occidentale dans la microélectronique.

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