Narcotrafic : le désir de Bruno Retailleau d'accéder aux messageries chiffrées échoue
L’Assemblée nationale s’oppose encore à l’accès aux contenus des messageries chiffrées au profit des services de renseignement. Des dispositions proposées dans le cadre de la proposition de loi pour lutter contre le trafic de drogue ont été largement rejetées.
Rien n’y fait. Malgré l’insistance du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, c’est toujours niet concernant l’accès des services de renseignement aux contenus des messageries chiffrées. Dans la nuit du 20 au 21 mars 2025, les députés réunis en séance publique ont encore une fois rejeté les amendements qui avaient été déposés en ce sens.
« Ce soir, le chiffrement ne sera pas menacé, les amendements ne sont pas votés », s’est félicité Éric Bothorel, l’un des parlementaires les plus en pointe contre ces dispositions. Trois amendements, tous similaires dans leur rédaction, avaient été déposés ces jours-ci par des élus qui arguaient que leur version était plus douce, et donc plus acceptable.
« Le chiffrement ne sera pas menacé »
Éric Bothorel
Mais, cette nouvelle écriture n’a pas réussi à emporter la conviction des plus récalcitrants à l’Assemblée. Les amendements litigieux ont été rejetés, et largement par la représentation nationale, à la plus grande satisfaction des experts du numérique et des spécialistes en cryptologie, qui s’alarmaient des effets néfastes de ces dispositions sur la qualité du chiffrement.
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Ces mesures, prévues pour figurer dans la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, avaient déjà connu un sort funeste plus tôt ce mois-ci. Lors de l’examen du texte par les membres de la commission des lois à l’Assemblée nationale, les accès souhaités par Bruno Retailleau avaient aussi été rejetés, et à la quasi-unanimité.
La fin ne justifie pas toujours les moyens
Sur le fond, les élus hostiles à l’aménagement d’un accès spécial, au profit des services de renseignement, au sein des messageries chiffrées comme Signal ou WhatsApp, ont tenu à rappeler leur soutien à l’objectif général du texte : lutter contre les narcotrafics. Mais, pour cette disposition, comme pour d’autres, la fin ne justifie pas les moyens.
Pour les opposants à cette mesure, il y avait un risque fondamental d’un affaiblissement généralisé de la protection conférée par le chiffrement de bout en bout, qui sert à sécuriser fortement les communications. Dans ce cadre, le contenu d’une discussion n’est censé être lisible que par les seuls membres prévus dans l’échange.
En commission des lois, Bruno Retailleau avait proposé un mécanisme qui n’était ni une vraie porte dérobée (backdoor) ni un cassage en règle du chiffrement en tant que tel. Son système aurait mobilisé une autre tactique, reposant sur la « proposition du fantôme ». L’idée ? Inclure un tiers dans des échanges chiffrés, mais à l’insu de tout le monde.

Toutefois, cette approche a été largement rejetée par les députés. Cette « frontdoor » a même été jugée plus problématique encore par les experts en cryptographie. La mesure restait de toute façon un amoindrissement de la qualité du chiffrement, en introduisant une faiblesse dont l’existence, et c’est là le risque, pourrait être trouvé par d’autres.
Malgré ce revers, le gouvernement ne repart pas les mains vides. Comme le note La Chaîne Parlementaire, d’autres pans de la proposition de loi ont été soutenus, comme la surveillance algorithmique pour détecter des signaux faibles (une stratégie initialement lancée en 2015 contre le terrorisme) et la prolongation de l’expérimentation des interceptions satellitaires.
Le texte, dont l’examen à l’Assemblée nationale doit s’achever ce vendredi 21 mars, a encore quelques sujets chauds à traiter, comme le « dossier-coffre », dont le but est d’empêcher les fuites d’informations autour d’une procédure. Mais, à l’image des techniques de renseignement précédentes, ce dispositif pose des difficultés.


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