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Nous n'avons pas le choix, pour lutter contre le terrorisme nous devons d'abord combattre le cyberterorrisme

L’horreur, encore.

La Grande-Bretagne a fait, à nouveau, la douloureuse expérience du terrorisme. Comme à Paris, ce sont des lieux de loisirs, de culture, de jeunesse qui ont été visés, installant dans notre paysage européen une quotidienneté de la peur qui n’est pas acceptable. La charge symbolique est forte: la musique, la culture, représentent ce qui peut nous unir au-delà des différences, elles créent ce que les sociologues appellent les « zones grises », là où les différences s’estompent face au commun. Ces zones grises, zones de tolérance et de vivre-ensemble, sont les ennemis des extrémistes de tous bords qui veulent imposer une vision binaire et manichéenne du monde.

Avec la répétition de ces crimes, des question demeurent. Il faut être clair, la réponse militaire contre Daesh est une condition nécessaire mais pas suffisante à son éradication. Notre action doit être multiforme, prendre acte de l’évolution du terrorisme au XXIème siècle, notamment de ses ramifications mondiales grâce aux nouvelles technologies, et aussi prendre à bras le pendant culturel de notre lutte.

Un rapport de force contre Daech

Les faits interrogent. Alors que Daech recule sur le terrain face à la coalition internationale à laquelle participe la France, son action à l’étranger se maintient, et même s’intensifie. Bien que cela puisse s’apparenter à un champ du cygne, la situation dénote surtout que le terrorisme continue de prospérer sur un terreau culturelle, un rapport de force au sein de l’Islam, où des réformistes modérés font face à des radicaux.

Cette réalité est aujourd’hui prise à bras le corps par nombre de pays du monde arabe. L’Islam du juste milieu, celui qui prône la tolérance, la contextualisation culturelle des textes sacrés, est de plus en plus mis en avant par des organisations religieuses comme lors de la Déclaration de Marrakech en janvier 2016 ou bien celle de Sousse en avril 2016. L’Europe doit avoir un objectif: soutenir ces démarches, les représentants de ce courant réformistes, les faire venir sur notre continent pour aider à combattre les racines de la haine. Avec la Conférence Islamique Européenne et le Ministère des Affaires étrangères émirati, nous proposons d’aller plus loin encore dans cette direction en travaillant sur l’éducation et les manuels scolaires dans les pays arabes qui, parfois, peuvent véhiculer des propos de haine d’autrui.

Internet, lieu de radicalisation, lieu de notre action

La réalité de ce combat culturelle doit se porter sur internet. Désormais, les processus de radicalisation passe quasiment systématiquement par internet. Des prêts-à-porter extrémistes tout autant que des manuels et tutoriaux pour réaliser des attentats se trouvent en accès libre sur internet.

Il faut entrer dans l’arène. La bataille culturelle signifie investir ce champ informatique, notamment pour proposer des contre-discours à l’idéologie haineuse. Le chantier est énorme. Si les sites internets djihadistes existent depuis longtemps, notre réponse est encore trop balbutiante et n’appréhende pas vraiment la réalité en ligne. Un site gouvernemental seul, ne représentera jamais une alternative crédible pour des personnes en proie à la tentation djihadiste.

Il convient d’avoir une action intelligente dans ce domaine. Nous devons travailler avec les grands groupes d’Internet, notamment sur le référencement des sites proposant des contre-discours au radicalisme. Ils existent, mais sont souvent relégués au fin fond des recherches sur les moteurs de recherche. Et sur Google, autant dire que si vous êtes sur la page 2 des résultats de recherches, vous n’existez pas. Ce travail ne peut être réalisé que par la société civile. Le rôle des autorités publiques consiste à les aider à apparaître avant les discours radicaux, pas de s’y substituer. Quand la plupart des personnes se radicalisent sur internet, il importe de comprendre la façon dont ils l’utilisent, pour retourner l’outil à notre avantage.

Les soldats électroniques

Cette bataille de la cybersécurité a évidemment une autre facette, plus coercitive : celle du retrait de contenu radical sur internet et du contrôle des communications terroristes. Ici, l’heure n’est plus aux demi-mesures. Lors d’une réunion internationale sur la cybersécurité à Abu Dhabi les 15 et 16 mai derniers, j’ai proposé la création d’une cellule internationale entièrement dédiée à la cybersécurité. Retrait de contenu et rédaction de contre-discours en plusieurs langues seront au coeur de l’action de ces futurs « soldats d’internet ».

La réussite ne peut être que collective dans cette entreprise. Pour cette raison, nous avons envoyé un message fort à Abu Dhabi en direction de l’ONU. L’Assemblée Générale des Nations Unies qui se réunit au mois de septembre prochain à New-York doit mettre ce sujet à son ordre du jour. Pas de lutte véritable sans un traité international spécifiquement dédié à la lutte contre le cyberterrorisme, c’est notre conviction.

En définitive, la lutte contre le terrorisme moderne est multiforme. La réponse militaire seule échouera. Les actions unilatérales ne fonctionneront pas non plus. C’est uniquement par une action concertée, notamment sur les messages, sur les contre-discours à produire, sur les politiques culturelles à mettre en oeuvre en commun, sur la création de cellule commune de lutte contre un fléau que nous subissons tous, que nous apporterons, enfin, une réponse crédible à ce terrorisme infâme. Voilà l’objectif politique numéro un en matière de sécurité collective.

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artia13

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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