Pourquoi Assange est accusé d'être pro-russe (et comment il en est arrivé là)
Peter Nicholls / Reuters
INTERNATIONAL – Mais quelle mouche a donc piqué Julian Assange? Ce mardi 9 mai, le fondateur de Wikileaks a demandé sur Twitter si la défaite de Marine Le Pen à l’élection présidentielle était due au sexisme. Si beaucoup ont été surpris par cette remarque, qui semble faire l’impasse sur la réalité politique de la situation française, certainsn’ont pas hésité à se demander s’il fallait y voir un soutien implicite à Marine Le Pen et, derrière, à Vladimir Poutine.
Quel rapport? Il faut se rappeler que quelques jours plus tôt, des documents internes de l’équipe d’Emmanuel Macron, piratés, commencent à circuler sur Internet. Très vite, Wikileaks publie un tweet affirmant enquêter sur le sujet, tout en proposant un lien vers les fameux documents, non authentifiés. De nombreux internautes y voient une nouvelle preuve d’un lien entre l’organisation de Julian Assange et la Russie, surtout que les équipes d’Emmanuel Macron -bien moins enthousiaste que Marine Le Pen à l’égard de Poutine- avaient affirmé être la cible de pirates russes.
Ce à quoi Wikileaks a répondu qu’elle était la mieux placée pour enquêter au plus vite sur ce type de fuites. Ce qui n’est pas faux. De même, le message de Julian Assange concernant Marine Le Pen peut très bien n’être qu’une méconnaissance du paysage politique français.
L’origine du piratage des mails de Clinton en question
Mais si les accusations de collusion avec la Russie sont si présentes, c’est parce que l’organisation et son fondateur ont à de nombreuses reprises envoyé des signaux pouvant, à tort ou à raison, être perçus comme pro-Kremlin.
Par exemple, en octobre 2016, quand Wikileaks publie des dizaines de milliers de mails piratés, provenant du directeur de la campagne d’Hillary Clinton. Ce piratage aurait été effectué, d’après plusieurs sociétés privées et le gouvernement américain, par un groupe de hackers lié au gouvernement russe. Le même qui est notamment accusé par la société Trend Micro d’avoir tenté de pirater les mails des équipes d’Emmanuel Macron ces derniers mois. Des accusations étayées par des faisceaux d’évidences, mais qu’il est difficile de démontrer par A + B.
Julian Assange a depuis affirmé que la source de Wikileaks dans cette affaire n’avait pas de lien avec le gouvernement russe, tout en créant volontairement de la confusion autour de l’auteur des fuites. Des déclarations qui n’ont pas convaincu le patron de la CIA, pour qui Wikileaks est « un service de renseignement non étatique hostile, souvent soutenu par des acteurs étatiques comme la Russie ».
Il n’y a pas que le piratage de Clinton. En août 2016, le New York Times rappelait dans une enquête que si Wikileaks avait, à ses débuts, affirmé vouloir se concentrer sur les régimes autoritaires comme la Russie, les choses ont bien changé. En réalité, sur l’ensemble des documents publiés, très peu ont mis en difficulté Moscou et certains ont même été bénéfiques au Kremlin, au détriment de l’Occident.
Une personnalité difficile à cerner
Pour autant, les services de renseignement, cités par le quotidien américains, ne croient pas à un lien direct entre Julian Assange et le Kremlin. Simplement que Wikileaks pourrait servir de « blanchisserie » pour des documents piratés par des hackers d’Etat.
Depuis les débuts de Wikileaks, la situation de Julian Assange s’est dégradée. Accusé de viol et agression sexuelle en Suède en 2010, il est depuis 2012 réfugié dans l’ambassade équatorienne de Londres. Alors que le fondateur de Wikileaks y voit un coup des Etats-Unis pour le punir des divulgations de Wikileaks, la Russie a depuis lors répété régulièrement tout le bien qu’elle pense de Julian Assange. En 2011, un visa lui a été attribué et un officiel russe l’a même proposé comme prix Nobel de la paix. Depuis, la chaîne pro-Kremlin RT a également diffusé une émission produite par Wikileaks.
Il y a aussi les déclarations surprenantes de Julian Assange qui, interrogé sur l’annexion de la Crimée par la Russie, affirme que Washington et ses alliés ont « annexé le monde entier » avec leurs outils de surveillance généralisés.
Les anciens collaborateurs de Julian Assange ne pensent pas pour autant que Julian Assange soit lié directement au Kremlin. « Ce n’est pas dans son tempérament », affirme une source au New York Times, qui estime qu’il ne pourrait pas faire confiance aux services de renseignement russes.
« Si Poutine venait et lui donnait des ordres, ils seraient ignorés. Mais si un groupe anonyme lui proposait des documents anti-Clinton, ils trouveraient un hôte bien content de ne pas poser trop de questions bizarres », expliquait de son côté James Ball, correspondant pour BuzzFeed et ancien collègue de Julian Assange.
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