Terrorisme religieux: la bataille du numérique

Terrorisme religieux: la bataille du numérique

TERRORISME – Oui, le numérique est un formidable outil au service de la démocratie, en attestent, par exemple, les Révolutions arabes initiées par un simple tweet, lequel a permis de soulever les peuples, et, in fine, de renverser des régimes totalitaires. Toutefois, nous assistons aujourd’hui à une utilisation pervertie de cet outil, mis au service d’une idéologie terroriste abominable.

La « révolution numérique », dont nous bénéficions tous, accompagne en effet également le développement et la diffusion de la propagande islamiste, et les organisations terroristes n’hésitent pas à moderniser leur communication. Ainsi, Al-Qaïda, dans les années 2000, n’avait à disposition que peu de supports de communication, laquelle était principalement véhiculée par le canal d’Al Jazeera. Or, à présent, Daech s’est doté de ses propres médias, via les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, YouTube, Snapchat. Pour cette organisation terroriste, le numérique est une arme psychologique redoutable, qui lui permet de façon simple de recruter de nouveaux djihadistes, « d’informer » ses partisans et de répandre la terreur au sein des populations locales et occidentales.

D’un point de vue global, la communication de cette organisation peut parfois sembler incohérente. En effet, l’objectif est de légitimer le « combat » mené, et pour cela, ces extrémistes religieux alternent des publications insoutenables (vidéos et images glorifiant des tortures et des décapitations) avec des photos plus légères de leur quotidien. Surfant sur la vague des « LOL cats » et afin de s’humaniser aux yeux de leurs futures recrues, ils vont même jusqu’à se mettre en scène avec des chatons. Pour nous toucher au plus près, ils réalisent, en outre, de façon quotidienne des prises de contrôle de sites web institutionnels ou commerciaux en France. Il est donc manifeste que les terroristes évoluent aussi vite que les nouveaux usages de l’internet.

Face à ce constat, le véritable problème pour les Etats en lutte contre le terrorisme est de pouvoir contrôler cette communication numérique. Si Facebook et Twitter ferment des comptes d’islamistes tous les jours, combien de nouveaux profils sont créés quotidiennement? Car en effet, ces deux réseaux sociaux ne font qu’un contrôle a posteriori des publications, laissant ainsi se propager des contenus dangereux jusqu’à leur détection, forcément tardive. Pourtant, paradoxalement, l’usage massif du numérique par ces organisations terroristes permet aux forces de l’ordre de repérer certains utilisateurs imprudents.

Alors quelles sont les solutions à apporter?

La raison doit prendre le pas sur l’émotion, aussi grande soit-elle, afin de permettre l’émergence d’un consensus international autour d’une réponse globale.

Au préalable, seule une volonté politique internationale pourra permettre de réglementer les pratiques. Concrètement, il s’avère nécessaire d’accentuer plus encore la collaboration entre les Etats et les géants du web. A cet effet, un cadre légal plus contraignant obligeant les plateformes à rehausser leur niveau de contrôle des contenus diffusés paraît indispensable ainsi que la mise en place d’un processus leur permettant d’alerter rapidement les services de sécurité de toute utilisation suspecte. Le web ne peut rester une jungle opaque plus longtemps, et les acteurs du secteur doivent être responsabilisés.

En France, certains préconisent la transposition du Patriot Act américain, qui viserait notamment à renforcer la surveillance du net, posant inévitablement la question du respect des libertés individuelles. L’émotion suscitée par les attentats dramatiques qui ont bouleversé notre pays ne doit pas légitimer l’instauration d’un Big Brother à la française.

Loin d’installer un régime d’exception, l’article 20 (anciennement l’article 13) de la Loi de programmation militaire (LPM) adoptée en décembre 2013 dispose que certains ministères régaliens peuvent demander l’accès en temps réel aux données de connexion (géolocalisation, contenu) de toute personne présentant un risque lié à la criminalité, à la délinquance organisée et à la sûreté nationale et ce, sans autorisation préalable d’un magistrat. Ce dispositif juridique permet donc de taper vite, de taper fort.

Néanmoins, je comprends les craintes notamment soulevées par le Conseil national du numérique, France digitale ou Syntec numérique quant à cet article car il soulève indéniablement la question de la séparation des pouvoirs. Comment en effet, en l’absence d’un contrôle par un juge, avoir la garantie que la surveillance soit réalisée uniquement à des fins judiciaires et non politiques? Envisageons dès lors la création d’une autorité administrative indépendante pour encadrer ces activités numériques. Le défi qui se pose ainsi au gouvernement et à nos parlementaires est de parvenir à garantir, dans la période troublée que nous connaissons, notre sécurité collective tout en préservant nos libertés individuelles.

La bataille du numérique est donc loin d’être gagnée car d’une part, elle nécessite une coopération mondiale, et d’autre part, internet offre des champs d’action illimités. J’aurais pu notamment évoquer le « web profond » (ou « web caché » ou « web invisible ») qui est un véritable terrain de jeu pour les activités criminelles.

Le web apparaît donc comme le nouveau champ de bataille du XXIe siècle. Certes, nous ne nous battons pas à armes égales. Nos actions peuvent être entravées par les lois qui régissent notre organisation sociale, quand les mains de nos adversaires sont libres, car ils se sont affranchis du respect de toutes les règles, à la faveur de l’instauration de leur propre doctrine.

Et c’est bien sur ce fait, essentiel, que se cristallisent nos différences. Nous, peuple des Lumières, n’abandonnons pas nos principes fondamentaux face aux barbares. Pour lutter contre le terrorisme, la réglementation des activités numériques n’est qu’un moyen parmi d’autres, au premier rang desquels je place l’éducation. Ces fanatiques religieux ont voulu nous mettre à genoux, nous sommes plus que jamais debout et derrière nos écrans.

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