Blog Cyberjustice – BipoLife® : Quand la technologie est au service de l’accompagnement psychologique.
BipoLife® est un outil interactif pédagogique conçu pour les personnes atteintes d’un trouble bipolaire et leur entourage. Il s’agit d’un Serious Game, un mini-jeu vidéo développé par une équipe de médecins en collaboration avec le studio français Ubisoft.
Avant de s’intéresser au fonctionnement du jeu, il convient de mieux définir la notion de « trouble bipolaire ».
Qu’est-ce que le trouble bipolaire ?
Il existe aujourd’hui beaucoup d’idées reçues sur la bipolarité. Les troubles bipolaires sont souvent considérés par le grand public comme des sautes d’humeur soudaines et fréquentes dont une personne est prise à un moment T de sa journée.
Pour lutter contre la désinformation, certains ouvrages comme le « Manuel du Bipolaire » de Martin Desseilles, Nader Perrou et Bernadette Grosjean, proposent de vulgariser les différents aspects des troubles bipolaires (de l’histoire aux traitements en passant par les mécanismes neurobiologiques).
Selon le DSM-5 (Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles mentaux), les symptômes des troubles bipolaires se déclinent en 3 niveaux d’intensité. Pour résumer, les troubles bipolaires se caractérisent par l’alternance d’épisodes maniaques et dépressifs. La fréquence d’alternance de ces épisodes est influencée par l’hygiène de vie et le quotidien de la personne.
L’accompagnement de ces personnes est principalement composé de l’éducation thérapeutique et de la stabilisation de leur environnement personnel et professionnel : c’est là qu’intervient BipoLife®.
Objectif principal du Jeu
BipoLife® a pour objectif d’aider l’utilisateur à intégrer les normes d’une vie saine et à l’écoute de ses troubles. Fortement inspiré des SIMS, le jeu permet à l’utilisateur de faire évoluer un personnage virtuel (son avatar) atteint de troubles bipolaires à travers diverses situations et actions de la vie quotidienne.
Le jeu propose trois angles principaux : le respect des règles hygiéno-diététiques, l’observance médicamenteuse (le respect par le patient des traitements et recommandations prescrits) et le recours régulier au médecin/psychiatre. Les objectifs étant d’établir le lien entre les symptômes du trouble, l’humeur et la vie quotidienne des personnes atteintes, tout en évaluant les conséquences des choix faits par l’utilisateur.
Attention : BipoLife® ne permet ni de poser un diagnostic ni se substituer à une prise en charge thérapeutique. C’est un outil thérapeutique qui propose d’aider les patients et leur entourage à mieux comprendre les mécanismes du trouble dont ils sont atteints.
Fonctionnement et mécaniques de jeu
BipoLife® met en scène différentes phases et épisodes maniaques en plus des situations quotidiennes afin que les utilisateurs puissent observer l’impact des choix et des actions de leur avatar sur l’humeur de ce dernier.
- Une horloge temporise les actions du personnage sur plusieurs jours ;
- Une jauge d’énergie matérialise l’énergie nécessaire pour chaque action et le temps de récupération ;
- Les comportements de l’avatar se traduisent en « bonus » ou « malus » d’humeur ;
Ainsi, en observant l’impact des choix et des actions du personnage sur son humeur, l’utilisateur peut différencier les comportements nuisibles des comportements favorables à la stabilisation des émotions du patient atteint d’un trouble bipolaire, notamment grâce à un traitement approprié.
Les limites de l’outil
Malgré ses qualités thérapeutiques et pédagogiques, BipoLife® présente plusieurs limites, tant sur la technique que sur l’accessibilité de l’outil.
Comme tout outil numérique, BipoLife® nécessite une maintenance régulière pour rester pertinent face aux évolutions des connaissances médicales, des recommandations thérapeutiques et des attentes des utilisateurs. Or, l’absence de mises à jour fréquentes peut entraîner une obsolescence partielle de ses contenus.
De plus, BipoLife® manque de notoriété. Malgré une conception soignée et la collaboration avec un grand studio comme Ubisoft, le jeu reste relativement peu connu du grand public, y compris au sein de la communauté médicale et psychologique. Sans une stratégie de communication plus large et une intégration dans les parcours de soins existants (comme les programmes d’éducation thérapeutique), le jeu peine à remplir pleinement son rôle de médiateur entre les patients, leurs proches et les soignants.
Un outil thérapeutique peut difficilement rivaliser avec les standards actuels des jeux vidéo en termes d’interactivité, de fluidité, d’ergonomie et d’accessibilité. Et pourtant, une revisite du Game Design permettrait peut-être à l’outil d’avancer dans la bonne direction.
L’évolution vers une nouvelle forme de soins ?
Les limites évoquées précédemment ne remettent pas en cause l’intérêt fondamental de BipoLife®, mais soulignent la nécessité d’un accompagnement structurel, technique et institutionnel pour en maximiser les bénéfices de l’outil. Son efficacité repose non seulement sur sa conception initiale, mais aussi sur sa capacité à évoluer, à s’adapter aux retours des utilisateurs (soignants comme patients) et à s’intégrer durablement dans une stratégie globale de soins.
Avant tout, BipoLife® ouvre la voie à une nouvelle génération d’outils numériques thérapeutiques, alliant technologie, pédagogie et sensibilisation. Son concept de serious game appliqué aux soins psychologiques pourrait inspirer d’autres initiatives ciblant différents troubles (troubles anxieux, dépression, schizophrénie, TDAH, etc.), avec un double objectif : mieux informer et peut-être mieux accompagner et soigner.
Il est possible d’envisager le développement d’outils plus personnalisés, reposant notamment sur l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle ou la réalité augmentée, qui permettraient de proposer des expériences immersives et adaptées aux profils des patients. Par exemple, des dispositifs de réalité virtuelle sont déployés pour désensibiliser certaines phobies, ou pratiquer de la relaxation. De tels dispositifs pourraient enrichir les outils de prise en charge existants ainsi que l’adhésion aux soins, tout en contribuant à réduire la stigmatisation associée aux troubles psychologiques.
João Pedro de Alcântara Bastos
Master 2 Cyberjustice 2024/2025
Sources :
- Association, A. P. (2021). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5). American Psychiatric Publishing.
- Desseilles, M., Perroud, N., & Grosjean, B. (2017). Le manuel du bipolaire. Editions Eyrolles.
- Quintilla, Y., Olié, E., Franck, N., Gard, S., Llorca, P., Maurel-Raymondet, M., Nuss, P., Orth, J., Rousselet, A., Sorbara, F., Lukasiewicz, M., Mathieu, B., Vega, C., & Courtet, P. (2013). Serious game dans la psychoéducation aux troubles bipolaires. European Psychiatry, 28(S2), 25-26.
https://doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.063
https://www.santementale.fr/2013/03/bipolife/
https://www.lebipolaire.com/bipolife-jeu-virtuel-psycho-educatif-bipolarite/
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/trouble-bipolaire/comprendre-troubles-bipolaires
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