Blog Cyberjustice – Un droit sur mesure pour les producteurs de base de données
L’or précieux de la société actuelle a bien changé. En effet, le monde actuel évolue dans le sens du numérique. Les données numériques, provenant du mot Data, sont devenues les pierres précieuses que toutes les entreprises s’arrachent. Ainsi, de nouveaux acteurs émergent afin de répondre à cette demande. C’est le cas du sujet de cet article. Peu connu et pourtant essentiel à la création de cette richesse numérique : le créateur de base de données.
Qu’est-ce qu’un producteur de base de données ?
Il peut être défini comme étant la personne physique ou morale venant concevoir une base de données. Il est celui qui est à l’origine de la mise en place de cette base. Par ailleurs, d’après l’article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle, le producteur de base de données bénéficie d’une protection. Ici, c’est le droit sui generis qui lui est accordé si ce dernier justifie d’un « investissement substantiel ».
Mais comment justifier d’un investissement substantiel ?
Le même article précise qu’il sera question d’un investissement substantiel dès lors que cela génère un coût matériel, financier ou humain. Il peut être question de l’acquisition spécifique de logiciels afin de créer ou gérer la base de données (investissement matériel). Mais aussi, cela peut être un coût versé pour l’hébergement de ces dernières (investissement financier). Et enfin, cet investissement peut concerner la nécessité de former et embaucher des personnes qualifiées (investissement humain). De tels investissements démontrent l’engagement et les risques pris par le producteur de données.
A titre d’illustration, la célèbre décision de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 5 octobre 2022 (pourvoi n°21-16.307) : dans cette affaire, il était question de la société « Entreparticuliers.com » qui récupérait et publiait les annonces publiées par la société « Leboncoin.fr » sur son site. Et évidemment tout cela sans autorisation et en prenant le soin de supprimer la source de l’annonce. La thèse de la société « Entreparticuliers.com », selon laquelle les annonces appartenaient au public, n’a pas été admise par la cour. Au contraire, la cour a souligné que Leboncoin.fr avait effectué diverses dépenses et investissements. Cette société avait investi dans un logiciel de filtrage et embauché une équipe spécialisée par exemple. Elle a également dépensé en communication afin de chercher et de rassembler le plus grand nombre d’annonces. Ainsi, le producteur de données de Leboncoin.fr a usé d’un engagement et a entrepris des risques pour la création de sa base de données. La société « Entreparticuliers.com » a donc été condamnée pour extraction frauduleuse d’une base de données.
En contrepartie, il y a un droit d’une durée de quinze années, renouvelable, permettant alors d’autoriser ou d’interdire l’extraction de données à des fins commerciales. Ce droit court à compter de la fin de la conception de la base de données.
Attention au respect du RGPD
Le producteur de base de données va constituer sa base avec cette matière. Pour les besoins et la finalité de la base de données, il peut avoir recours à la collecte de données à caractère personnel. Ces dernières tombent inévitablement sous le coup du RGPD.
Par ailleurs, le producteur de base de données n’est pas nécessairement la même personne que le responsable du traitement. En effet, selon le RGPD, le responsable du traitement est la personne physique ou morale devant déterminer les finalités et les moyens de traitement. Tandis que le producteur de base de données est perçu comme celui concevant une base de données comme vu ci-dessus. Toutefois, dans certaines situations le producteur de base de données et le responsable du traitement peuvent être la même entité. C’est notamment le cas pour une entreprise créant une base de données pour ses propres besoins.
Finalement, les producteurs de base de données ont un grand intérêt à revendiquer ce droit pour se protéger. En effet, cela permet de sécuriser les investissements qu’ils ont accordés dans la conception de cette base de données. Mais surtout, la reconnaissance d’un tel droit leur permettrait de gagner une contrepartie financière en donnant l’accès à leur base. Enfin, plus généralement, l’intérêt se perçoit dès lors que le business mondial se fonde sur une économie qui se veut numérique.
Clara Bonnard
M2 Cyberjustice – Promotion 2024/2025
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069414/LEGISCTA000006146357/
https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/general-data-protection-regulation-gdpr.html
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