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ZATAZ » Quatorze ans de prison pour un informaticien russe accusé de trahison

Un informaticien hospitalier russe a été condamné à 14 ans de colonie pénitentiaire pour avoir transmis à l’Ukraine des données sensibles sur des soldats russes, selon la justice du pays.

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Dans une Russie où la surveillance s’intensifie depuis le début de la guerre en Ukraine, la frontière entre patriotisme imposé et trahison présumée se fait de plus en plus floue. Alexander Levchishin, un simple programmeur de 37 ans travaillant dans un hôpital à Bratsk, a été condamné à une peine extrêmement lourde pour avoir transmis des données médicales de militaires russes à des services de renseignement ukrainiens. Ce cas s’inscrit dans une vague de répressions sans précédent depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. L’affaire soulève de sérieuses interrogations sur la liberté d’expression, l’usage du numérique et la manière dont le Kremlin utilise la notion de sécurité nationale pour neutraliser toute dissidence potentielle.

Le poids de la trahison dans la Russie d’après 2022

Le cas d’Alexander Levchishin est loin d’être isolé. Depuis le déclenchement du conflit, le gouvernement russe a renforcé de manière spectaculaire sa politique de répression interne, réactivant avec vigueur les lois sur la trahison et l’espionnage. Accusé d’avoir copié puis transmis les dossiers médicaux de militaires russes depuis son poste de travail à l’hôpital de Bratsk en avril 2022, Levchishin aurait également fourni des numéros de téléphone de soldats à l’armée ukrainienne. Selon les autorités, ces informations ont ensuite été publiées sur un canal Telegram géré par des agents de Kiev.

Mais l’acte qui a vraisemblablement scellé son sort est une série de transferts d’argent à un compte bancaire soupçonné de financer l’achat de véhicules pour l’armée ukrainienne. Pour les services de sécurité russes, cette action représente une preuve irréfutable de collaboration avec un ennemi désigné. Arrêté en juillet 2023, Levchishin a été reconnu coupable de haute trahison et condamné à 14 ans dans une colonie pénitentiaire à régime sévère, assortis d’une amende de 50 000 roubles (environ 510 euros) et d’une interdiction d’exercer certaines fonctions pendant quatre ans après sa libération.

Une justice à charge

Le déroulement du procès, comme souvent dans ce type d’affaire en Russie, s’est tenu à huis clos, sous le sceau du secret défense. Selon des observateurs proches du dossier, les preuves matérielles présentées ont été essentiellement constituées de fichiers numériques et de correspondances sur les réseaux sociaux. Lors de l’audience, la mère de Levchishin a été convoquée pour témoigner sur des détails pour le moins anecdotiques, notamment sur le fait que son fils aurait appris l’ukrainien. Ce genre de questions, jugées dérisoires dans un contexte judiciaire sérieux, révèle les méthodes parfois absconses utilisées pour étayer les charges.

Depuis le début de la guerre, les procédures pour trahison ou espionnage sont en nette augmentation. Le projet russe de défense des droits « First Department » recense au moins 792 inculpations pour ces motifs en un peu plus de deux ans. Une statistique vertigineuse qui traduit la volonté des autorités de verrouiller l’espace informationnel et idéologique.

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Les agents du FSB, le puissant service fédéral de sécurité, sont également accusés d’utiliser les réseaux sociaux pour piéger leurs cibles. D’après plusieurs témoignages recueillis par des ONG, ces agents initient des conversations banales sur des plateformes comme VKontakte ou Telegram, évoquant d’abord des sujets anodins avant d’aborder la guerre. En se faisant passer pour des opposants au régime, ils incitent leurs interlocuteurs à exprimer des critiques ou des opinions interdites. Ces échanges sont ensuite utilisés comme preuves dans les dossiers d’accusation. Ce type de surveillance algorithmique est désormais monnaie courante dans les grandes villes russes, où la censure est doublée d’une stratégie de provocation bien huilée.

Dans ce climat, il devient presque impossible pour les citoyens de dissocier la simple opinion d’un acte de trahison. Une critique du conflit sur un forum privé ou un simple virement à un ONG perçue comme suspecte peut suffire à enclencher une procédure pénale. En criminalisant les comportements numériques, le Kremlin construit un arsenal juridique taillé pour l’ère de la guerre hybride.

L’intensification de la répression touche également des profils de plus en plus jeunes et inattendus. En mai, un étudiant de l’université de Saint-Pétersbourg a été condamné à six ans de colonie pénitentiaire pour avoir, selon les autorités, collaboré avec des groupes de hackers liés aux services ukrainiens. Plus tôt ce même mois, un cadet de l’académie militaire spatiale de Russie a été arrêté pour avoir conçu un outil informatique permettant de pirater des systèmes de sécurité confidentiels.

Ces cas montrent que la politique de dissuasion menée par le gouvernement ne se limite pas aux figures médiatiques de l’opposition ou aux anciens journalistes. Elle s’étend à toute personne disposant de compétences numériques ou susceptible de devenir un vecteur d’information alternatif. L’objectif est clair : décourager toute action, même symbolique, qui pourrait fragiliser le récit officiel de la guerre et la cohésion patriotique imposée. Le cas du groupe KillNet en est un autre exemple.

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artia13

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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